Depuis des mois, nous sommes tous régulièrement plongés dans l’incertitude. On se pose systématiquement la question de savoir quelles vont être les prochaines restrictions imposées. Confinement, fermetures administratives, consignes sanitaires, campagne de vaccination, bref tout change chaque semaine voire chaque jour et surtout sans que l’on puisse avoir quelconque visibilité sur une sortie de « crise ». C’est justement ce qui pose problème dans notre rapport cognitif et engendre anxiété, angoisses, peur de l’avenir, repli sur soi. Comment peut-on changer notre rapport aux conséquences générées par l’incertitude ?
Prenez une situation vitale, comme par exemple le fait de se nourrir. Si vous savez que dans les prochaines 12 h vous ne pourrez pas vous alimenter, vous allez intégrer une échéance connue, c’est-à-dire un terme que vous pouvez anticiper. Vous savez déjà à peu de choses près les effets que la faim aura sur votre organisme, vous savez que peu importe la difficulté de l’épreuve, c’est supportable. Il est facile de vous conditionner physiquement et mentalement sur cette échéance. Beaucoup de personnes intègrent volontairement des étapes de jeûnes de plusieurs jours dans leur programme alimentaire, les bienfaits ne sont plus à démontrer.
Cérébralement, le processus va vous amener à prendre des décisions très rapidement pour anticiper les phénomènes de faim, gérer les différents stades, de la même manière qu’un sportif va gérer une course d’endurance. Il est probable que vous allez mettre en place des attitudes adaptées pour économiser votre énergie, ex : vous n’allez pas rajouter d’activités énergivores en calories, peut être dormir, boire davantage, méditer…
A contrario, si ce choix ne vous appartient pas et que vous n’avez aucune connaissance du terme, vous allez très probablement passer par plusieurs phases de plus en plus inconfortables :
1/ phase émotionnelle
Vous allez commencer par nier cette donnée. Le fameux : « non, ce n’est pas possible, on ne peut pas me faire ça ». Après tout ce n’est jamais arrivé, il n’y a pas de raison je ne puisse plus manger. Après le déni, viendra la tristesse, probablement la colère avant de réaliser qu’on peut se remobiliser pour trouver des solutions. (voir courbe du deuil de Kübler–Ross)
2/ phase intellectuelle
Après cette 1° phase plus ou moins longue selon les individus, vous allez chercher très tôt des solutions, et ce de manière très réfléchie.
3/ (phase reptilienne)
Au bout de quelques heures, quand les premiers signes habituels de faims pointent leur nez, vous allez vous agiter un peu plus de manière désordonnée, incohérente voire stupide et dangereuse pour trouver cette nourriture si vitale.
4/ Phase de renoncement de soi
Quand la faim se fera encore plus pressante des idées incongrues feront leur apparition, manger des objets, fouiller des endroits improbables ou pire…L’organisme entier se met en mode survie à ce moment-là, vous risquez de renier votre propre système de valeur au service de l’injonction ultime d’assouvir le besoin primaire vital de se nourrir. Cette phase est cruciale car lorsque l’on bafoue soi-même ses convictions et ses valeurs profondes, on modifie alors à jamais radicalement son identité par une version de soi dégradée.
5/ phase d’abandon
Si la situation perdure, la combinaison de fatigue corporelle, d’épuisement psychique auront raison de la plupart des gens, qui se laisseront simplement inertes en attente ou pas d’une solution miracle. D’autres auront trouvé en eux suffisamment de ressources, ce qu’on nomme communément la résilience. Nous sommes fondamementalement très différents les uns des autres sur cette capacité de supporter, de transcender les difficultés.
Même si au final ce temps global n’aura duré que 6 ou 8 heures, c’est bien notre perception de l’absence d’échéance qui crée ces états psychologiques particulièrement marqués.
Quand on compare cette situation avec la période actuelle, par exemple pour les activités qui se sont vues affublées cet adjectif ignoble de « non essentielles », pour lesquelles aucune date de réouverture n’est envisagée, ce sont exactement les mêmes mécanismes qui se mettent en place insidieusement jour après jour. Par exemple, un professionnel qui ne sait pas quand il va à nouveau accueillir ses clients, va passer par ces phases :
1/ phase émotionnelle : ne pas comprendre pourquoi il doit fermer alors qu’il a mis en place les mesures nécessaires, que les grandes surfaces ne peuvent pas garantir les mêmes mesures sanitaires…
2/ Phase intellectuelle : se poser des questions sur ses charges, la gestion de son personnel, de ses stocks (faut-il les liquider, les consommer, les jeter ?). Puis, le temps passant, les questions liées à la pérennité de son activité se posent fortement.
3/ phase reptilienne : Par la suite, cette incertitude risque fortement de faire perdre le fil des réflexions et des décisions lucides. Faut-il vendre, liquider, s’enfuir, certains ont pris des décisions encore plus radicales. Ajoutons à cela la fatigue nerveuse et physique provoquée par cet état.
Tout le monde (ou presque) comprend la complexité de la situation actuelle et l’impérieuse nécessité de santé. Cependant, laisser l’incertitude revient à placer tout un pan de la population dans un mode survie d’où découlent les phénomènes de repli sur soi, d’anxiété, de doute et de baisse de confiance. Que se passe t’il ensuite lorsque cette 3° phase est enclenchée ? Que deviennent les phases 4 et 5 sur les individus dont l’incertitude n’a pas donné de réponse positive dans la satisfaction de ses besoins ?
Comment on se sort de cette situation ?
Forcément, le plus simple serait d’avoir une échéance. Mais vous l’aurez compris si cela ne dépend pas de vous, inutile de courir après des chimères, vous n’avez aucun moyen d’action sur ce que vous ne pouvez pas contrôler, inutile de perdre de l’énergie inutilement, de vous agiter inutilement, de pester. Vous mettre en colère va certes vous soulager quelques minutes pour vider votre trop plein, soyez attentifs à ce message.
Le maitre mot est : Accepter l’incertitude, s’installer dans la confiance, confiance dans l’avenir et surtout confiance en soi.
1/ Eviter le repli sur soi.
Malheureusement dans ce genre de situation, un des premiers réflexes naturels consiste à se mettre en mode individuel, considérant que seul on peut y arriver plus facilement ou plus rapidement. Une autre des raisons de repli vient également de la honte ressentie de se trouver dans une situation périlleuse.
Au contraire, placez votre confiance dans votre entourage, vos confrères, vos réseaux amicaux ou professionnels, les fédérations professionnelles, les structures d’appel d’urgence ne manquent pas au niveau national ou local (APESA, 60K rebonds, second souffle…).
Tout le monde connait des périodes plus ou moins fastes dans sa vie, le simple fait d’en parler permet de mettre des mots sur ses maux, de vider le trop plein d’émotions et de ressentiments. Vous pouvez en parler à des pairs, à des proches. C’est aussi un très bon moyen de faire le tri dans votre cercle relationnel.
2/ Capitaliser sur ses ressources
Connais-Toi Toi-Même.
cette citation héritée des grecs (Gnothi Seauton) puis des latins (Temet Nosce) constitue la clé de voute de notre rapport à l’anticipation du temps. Accepter l’incertitude revient à trouver ou à découvrir les repères en soi, et non à l’extérieur de soi, fixés par d’autres.
– Faites le point sur les périls plus ou moins importants que vous avez traversés au cours de votre vie, des ressources que vous avez été capables de mobiliser dans ces moments-là.
– Faites le point sur vos réussites, quels ont été vos plus grands succès ? Quel est votre potentiel inné ? Quelles ressources vous ont permis de réussir ? Ces éléments restent intacts, rien ni personne ne peut vous les enlever, à part vous si vous décider de mettre un voile de fausse modestie !!
– Identifiez à la fois les croyances qui vous limitent dans votre champ d’action ainsi que les croyances qui peuvent devenir des moteurs dans votre vie pour atteindre vos buts. Il est possible de contrebalancer le poids de ces dernières pour vous permettre de dépasser vos anciennes croyances de la même manière que petit vous avez sans doute réussi des choses qui vous paraissaient impossible à première vue. Si vous ne me croyez pas, prouvez-moi que vous êtes resté figé dans la même posture qu’il y a 20 ans, que rien n’a évolué chez vous, que vous n’avez rien appris de la vie.
le pessimiste est d’humeur l’optimisme est de volonté (Alain)
Ces exercices vont vous permettre d’engranger de la confiance et de résister aux aléas de l’environnement extérieur. C’est en vous focalisant sur votre intériorité qu’à l’instar d’un navigateur vous maintiendrez à flots votre bateau dans les tempêtes et les alizées, que votre cap vous guidera quitte à emprunter d’autres routes plus propices. La vague qui se profile à l’horizon peut à la fois être considérée comme un péril ou comme une opportunité de prendre de la vitesse selon notre point de vue.
Et dans le management ?
Je considère que manager dans l’incertitude est une forme de maltraitance et de manipulation mentale. Donner des consignes ou des objectifs sans les accompagner des attendus clairs, des moyens, des échéances et de la visibilité qui en découlent, c’est placer dès le départ vos collaborateurs en situation d’échec. Vous ne ferez que baisser leur niveau de confiance en eux, dans leurs capacités et vous bloquerez leur faculté de proaction, de créativité. Bref, vous n’aurez que des exécutants fébriles autour de vous. Il ne manquerait plus que de vous plaindre de leurs mauvais résultats dans la presse et vous endossez le costume du parfait petit chefaillon. (Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite bien évidemment).
Je dresse un portrait caricatural poussé, j’espère que ces profils ont disparu, j’insiste sur la nécessité d’apporter et de générer même de la confiance auprès de vos collaborateurs. Votre foi profonde en la réussite des projets, votre propre attitude vont contribuer fortement à communiquer cette confiance. Détectez quand un collaborateur s’enferme sur lui, accompagnez-le à identifier ses ressources, continuez à le former et à le responsabiliser.
Les signes du niveau de confiance des collaborateurs sont immédiatement visibles dans son engagement et sa propension à prendre des initiatives, à proposer des idées créatives et audacieuses. (voir également l’article sur les 4 étapes de l’autonomie) :